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Anagnoste : un lecteur parmi tant d'autres
3 octobre 2009

Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte : L'hommage d'Alain à Thierry Jonquet

A tout seigneur tout honneur. C'est Alain qui me fit découvrir Thierry Jonquet il y a environ deux ans. Il avait été enthousiasmé par l'ouvrage dont le titre reprend les vers de Victor Hugo. La date du 1° octobre est passée et il n'est pas certain que Stéphie pourra prendra en compte nos notes. Voici quand même le texte qu'Alain a rédigé en hommage à l'auteur disparu cet été.

"C’est poignant, c’est fort et étonnant de vraisemblance.  Il est des ouvrages qui ne quittent plus votre esprit dès lors que vous en avez commencé la lecture, le roman de Thierry Jonquet est de ceux là. Le récit illustre la réalité des villes et cités de banlieue. C’est mieux  que toute les analyses d’experts, de sociologues, politiciens  et autres intellectuels que j’ai pu entendre sur la crise des banlieues. A travers l’éclairage de personnages dans des situations sociales différentes, souvent antagonistes, il décrit les cités où les dérives mafieuses, à travers le deal et la prostitution, ont remplacé la loi républicaine. Celles, ou par besoin d’appartenance identitaire, le rejet, l’exclusion la marginalisation et le mépris ont permis l’avènement du fanatisme religieux. Le non droit généralisé y règne par l’absence de mixité sociale et d’une quelconque possibilité de croire à en un avenir qui pourrait se construire au sein des règles de notre société occidentale. A l’opposé on y trouve aussi la France traditionnelle, retranchée dans des banlieues pavillonnaires pour des classes moyennes qui ne se mélangent pas, vivant dans la peur de la réalité violente des cités voisines. Drame social pour les uns, drame de la solitude pour les autres et impuissance des institutions publiques. On réalise l’étroitesse du chemin qui sépare l’humanisme de la violence sectaire, la réussite de l’échec, le bien et le mal. Il démontre avec quelle facilité, dans cet environnement, on peut basculer de l’autre côté. On a le sentiment qu’il aurait pourtant fallu peu de choses pour que Lakdar puisse se construire un avenir à travers une intégration réussie. Une analyse fine, profonde et crédible de personnes, souvent très attachantes, dont les destins se croisent Ceux qui luttent quand même, malgré le peu d’espoir, parmi tous ceux qui démissionnent  au milieu du ghetto et des difficultés. Ceux qui survivent dans la solitude n’essayant même plus de maitriser ni le cours de leur vie ni celui de ceux et celles qui leur sont le plus cher. Ceux que la déshumanisation et le rejet écartent de notre société et conduisent à l’extrême violence. Un roman noir dont le terme ne laisse que peu d’espoir. Les personnages, dont la diversité couvre sans doute presque entièrement toute la palette des possibles  protagonistes, donnent au texte toute sa crédibilité. La lecture ne conduit pas à l’optimisme, mais c’est sans doute à partir de regards aussi lucides que l’on sera capable de reconstruire un avenir.

Je ne pense pas qu’un parallèle puisse être fait entre le contexte de ce roman et l’épisode historique de la commune de Paris qui en a inspiré le titre.  Au delà du titre, j’ai été surpris de constater à quel point les vers qui le précèdent dans le poème qu’Hugo avait écrit à propos des communards, pouvaient s’appliquer au roman de Thierry Jonquet :

A ceux qu’on foule au pied

Étant les ignorants, ils sont les incléments ;
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
A vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité ;
Que votre aveuglement produit leur cécité ;
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ; »……

A lire absolument"

Martine Storti - « Pour tous le pain et la lumiere » Victor Hugo

Alain

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Commentaires
L
quel texte !<br /> je vais l'attaquer prochainement
Répondre
D
Bonsoir, j'avais été peinée en apprenant la disparition de T. Jonquet. Son dernier ouvrage: "Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte" est biien mais ce n'est pas forcément celui que je préfère. J'ai adoré Moloch, les Orpailleurs, Mon vieux et La bête et la belle. Bonne soirée.
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