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Anagnoste : un lecteur parmi tant d'autres
21 février 2014

"Le matériel du tueur" : Gianni Biondillo

4ème de couverture.

Pourquoi un détenu, petit délinquant apparemment sans histoire, est-il libéré dans des conditions particulièrement sanglantes par un commando mafieux ? La commissaire d’une unité d’élite, Elena Rinaldi, se lance à ses trousses, assistée de mauvaise grâce par l’inspecteur Ferraro, un de ses ex. Avec l’aide de Lanza, hurluberlu génial de l’Agence européenne, ils découvrent qu’ils pourchassent en réalité un tueur redoutable, échappé des brûlantes brousses d’Afrique et des camions du trafic d’esclaves. Il poursuit seul une vengeance implacable et toute personnelle. Haile l’Érythréen a tout pour inquiéter : l’anonymat, la cruauté, l’intelligence et une volonté de fer, spartiate, militaire. Le matériel du tueur.
Gianni Biondillo, maître du roman noir, nous emmène dans un road-movie haletant, d’un bout à l’autre d’une Italie violente, nerveuse, divisée, pétrie de peurs anciennes et nouvelles, accablée par un ciel de plomb, où défile toute une humanité improbable mais bien réelle.
Le lecteur se laisse emporter, étourdi et reconnaissant.


Cet ouvrage est paru dans la collection "Bibliothèque Italienne" dirigée par Serge Quadruppani qui en a assuré la traduction.

"Aucun langage n'est innocent" et,[...]certaines réthoriques, pour qui a l'oreille bien entrainée, peuvent vraiment cacher quelque chose" peut on lire page 91. Traduire n'est pas neutre surtout lorsqu'il s'agit de littérature. Le style, la langue, les langages, les mots, les expressions, la façon de raconter, les références, sont autant d'éléments qui font le livre autant que le sujet et son traitement. Le rôle du traducteur est déterminant, sa relation avec l'auteur, sa complicité parfois. Serge Quadruppani a pris le parti de restituer au plus près les "parler" des auteurs qu'il traduit. C'est déjà le cas avec André Camilleri. On le retrouve dans "Le matériel du tueur".  A n'en pas douter il a été conquis par la très cultivée et séduisante commissaire Elena Rinaldi. Ferraro, qui l'accompagne sur l'enquête n'échappe pas à la caricature du flic, un peu alcolique, par très bien dans sa peau, qui revient dans sa ville. Lanza, sorte de deus ex machina arrive souvent  à point nommé. C'est l'occasion de partir à la découverte d'une Italie que l'on connait bien mal en réalité. Milan, ses banlieues, Rome, ....

Le style décalé plein d'humour est agréable, mais sous cette légéreté transparait comme souvent un discours plus grave.

L'épisode où les adolescents vont s'encanailler à l'étranger à bord d'une voiture "empruntée" est savoureux.

"La Suisse est l'étranger en bas de chez soi pour chaque Milanais, c'est l'internationalime à l'eau de rose, c'est le cosmopolitisme dans sa cour. Le premier endroit que tout Milanais a visité hors d'Italie est le canton du Tessin, si proche et si lointain..."

"A la troisième tentative de négociations diplomatiques, le douanier lâcha un "sur le trottoir enfin! Vous autres Italiens vous êtes pires que les Allemands! " ce qui fit exploser dans la poitrine de tout le groupe d'excités un sentiment immotivé et enthousiaste de fraternité enre deux peuples, de bonheur de leur desseins communs et de conscience mûre d'appartenir à la naissante Union européenne qui excluait cum grano salis la Confédération en son sein."

Et que dire de ce paragraphe décrivant l'arrivée de la police scientifique sur une scène de crime

"Au milieu de tout ce bordel, les types du SCO arrivèrent, non sans difficulté sur la scène du crime in extremis pour entendre extra moenia les rapports de la Scientifique et pour visionner in medias res la situation in situ.Tout était encore in fieri, mais le techniciens racontent ab avo ce qu'ils avaient découvert, sachant que in itinere, beaucoup de choses seraient, mutatis mutandis, à revoir. Mais les enquêteurs ne désiraient pas l'opera omnia de toutes leurs analyses, ils savaient qu'il serait toujours temps pour un errata, ils voulaient, apertis verbis, des éléments sur lesquels commencer à raisonner. Dictum factum: les techniciens, peut-être de part leur particulière forma mentis, balancèrent ex abrupto les difficultés rencontrées et puis demandèrent de patienter encore vu que gutta cavat lapidem.

A lire même si le lecteur ne possède pas toutes les clés lui permettant de saisir toutes les références et allusions qui émaillent le récit.



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