Doudou ( La cavale d'un repenti) : Edouard Rimbaud
3 octobre 2010, Cours Julien, Marseille. Les délibérations du jury du Prix Marseillais du Polar 2010 viennent de se terminer. Je m'approche d'Eric Maneval, finaliste malheureux, pour le féliciter pour son travail et lui dire combien j'avais été touché par son "Retour à la nuit" . On évoque le débat qui vient d'avoir lieu, les avis tranchés de certains jurés, allant de l'enthousiasme au rejet définitif, le choix du sujet lié à son activité professionnelle, son expérience.. Je découvre qu'il fut dans une vie antérieure bouquiniste, spécialisé dans le polar et roman noir. Je le questionne alors sur son ancien métier et lui explique que j'ai caressé le projet de devenir plus tard bouquiniste pour évoluer dans un univers de livres. Une sorte de fantasme! C'est alors qu'il évoque un livre écrit par un ancien truand, fasciné par les livres et qui fut aussi libraire. Ne retrouvant pas le titre de l'ouvrage, il rentra chez lui, m'apporta son exemplaire et me le confia.
-Tu me le rendras quand tu l'auras lu!
J'ai gardé son "Doudou" quelques mois, puis après m'en être procuré un exemplaire auprès de Lionel, mon libraire, je le lui réexpédiai le sien par la poste.
L'histoire d'un amoureux des livres qui après avoir été policier et résistant dès les premiers jours de la guerre, démissionne et renonce au statut de fonctionnaire et à la sécurité de l'emploi pour accéder à son idéal, évoluer au milieu des livres et ouvrir sa propre libraire. Il voit du jour au lendemain sa vie basculer, (du mauvais côté ne manqueront pas de préciser certains), le voilà donc escroc. En prison il apprend le métier de truand et finit par franchir toutes les étapes qui le conduiront à devenir trafiquant de drogue à l'époque de la French Connection. Arrêté par les stups, repenti, il accepte de collaborer avec la justice américaine. Il vit depuis aux USA sous une fausse identité craignant chaque jour d'être abattu par ses anciens complices.
La lucidité avec laquelle ce vieux monsieur raconte sa vie est saisissante, il analyse son parcours sans chercher à se justifier. ses jugements sont sans concession. Doudou est moins vendeur que le bandeau que propose l'éditeur (la cavale d'un repenti)². La narration qu'il fait de sa participation à la French Connection n'est qu'une partie, intéressante certes, du récit. J'ai pris beaucoup de plaisir à accompagner Doudou dans ses (mes-)aventures. L'écriture est élégante, le style agréable et les nombreuses références littéraires permettent de mieux cerner , voire apprécier, le personnage.
" A l'école il y a des livres et je ne me suis jamais remis de ce premier éblouissement ; La Comtesse de Ségur. Le hasard amoureux me faisait signe : je gagnais d'un coup la femme de ma vie et le droit de retrouver les livres."
.Il démissionne de la police et achète une librairie ..."Je réalisais mon rêve. Cette librairie, je ne l'ai pas achetée, je l'ai créée.
Devenu escroc ... "Je raflais pour trois cent mille francs de Pléiade. - " Monsieur est bibliophile? - Plus ou moins madame.."
Habilement il cite "Comme à Gravelotte" de Louis Salinas paru à la série noire en 1968, son premier roman!.... en effet plus loin page 209 on peut lire ...
"Un journaliste ( François Missen?) qui a appris à me connaître à travers les dossiers de police, avant de me rencontrer dans ma retraite à raconté cette époque de ma vie dans American Connection. "...Edouard Rimbaud était parvenu à rejoindre son destin: la prison et l'inépuisable galerie de portraits qu'il y avait découverts l'avaient grandement aidé à commettre son premier roman chez Gaston Gallimard :Comme à Gravelotte . Sous le nom de Louis Salinas. L'essai avait été transformé. L'ancien taulard et néo-romancier alimentait le fonds de l'éditeur par la richesse de ses dernières relations : Il faisait le nègre pour des collègues truands aussi riches d'années de prison que d'aventures à raconter. Mais fâchés avec l'orthographe. Rimbaud venait à leur secours.. "
....Où l'on découvre certaines pratiques journalistiques...Il devient le confident, "l'informateur" d'un journaliste parisien..."Une fois qu'ils sont là haut, ils jouent les affranchis, alors qu'ils se sont faits rouler dans la farine par les caïds d'ici....En ce qui concerne le Midi et surtout Marseille, l'information pour le rédacteur en chef là haut consiste, comme ils disent là-haut, à "faire de l'ail."
4 ème de couverture.
Agé de 80 ans, Doudou-Edouard Rimbaud est un repenti. Ils sont, comme lui, une dizaine de Français, ex-trafiquants de drogue de la mythique French Connection, vivant aux Etats-Unis, taraudés par une seule idée : dormir le soir dans leur lit plutôt qu'à la morgue. Ils ont vendu des tonnes d'héroïne, gagné des millions de dollars, puis se sont fait arrêter et ont accepté le deal de la législation américaine : la liberté contre leur confession et la dénonciation de leurs complices. La peur est leur salaire. Pour Doudou, un vieux routard du banditisme, le parcours est tout à fait atypique : policier durant la Seconde Guerre mondiale, résistant dans le réseau Marco Polo et décoré par les Français et les Américains, passionné de littérature, libraire à Salon-de-Provence, auteur et... escroc. Ce livre est son histoire.
² En 2007 il témoigna à visage découvert dans deux documentaires dont celui de François Missen et Bernard Nicolas "French Connection les rois de la came" dont on peut visionner les quatre épisodes sur la toile.D'où probablement le bandeau " Mémoire d'un repenti'
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